Mes fondations ont été mises à rude épreuve

7 octobre 2017 | Style de vie

La vie c’est un tourbillon. C’est parfois tempête et un peu venteux. Ça ne veut pas dire que c’est pour autant négatif, mais ça change pas mal de choses. Y a des tourbillons heureux, où les défis jouent du bras à ta porte, où l’amour t’enveloppe d’une douce couverture qui sort tout juste de la sécheuse. Mais y a aussi des tourbillons qui tentent de briser ton dedans, de saccager tes murs pis mettent tes fondations à rude épreuve.

Par contre, peu importe le tourbillon, tu peux être certain d’une chose : il t’apprendra quelque chose. À tout coup. Ça forge le caractère. Crois-moi. V’là deux ans, j’ai vécu un épisode assez tempête. J’écrivais une lettre titrée Mon histoire de harcèlement sur Boucle Magazine, qui s’est vue republiée par le Journal Metro.

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En gros, cette lettre répondait à la question suivante : pourquoi une victime de harcèlement (sexuel ou non) au travail ne parle que très peu de l’événement, des mois, voire même des années plus tard ou tout simplement jamais? Parce que ça me hérissait le poil de voir encore les gens blâmer les victimes d’un tel acte, dans une tempête médiatique où le comportement inacceptable d’un homme «important» dans la sphère médiatique et sportive, Marcel Aubut, a été mis en lumière. Parce que c’est venu toucher une corde sensible en moi, celle de la fille qui est passée par-là. Pour répondre à ta question, non il n’a pas été mon harceleur, mais j’ai bel et bien vécu une histoire de harcèlement au travail et on ne se doute jamais à quel point ça peut avoir des répercussions, et ce, même des années plus tard.

Un pas de recul

Avec le recul, est-ce que j’en aurais parlé publiquement? Je ne sais pas, mais je sais que je ne regrette pas. Malgré tous les doutes qui m’ont assailli, malgré tous les bâtons dans les roues qui m’ont été mis sur la route après cette publication, ainsi que tous les commentaires désobligeants reçus, je le referais demain matin.

Pourquoi? Parce que tout ça démontre que trop de gens banalisent ce genre d’événement. Parce que je ne compte plus le nombre de fois qu’on m’a dit « T’as sûrement été trop friendly» , «T’aurais pas dû en parler, parce que tu ne sais pas qui connaît qui» (le super monde des contacts) et la pire des pires… « Tu sauras quoi faire la prochaine fois» .

Pis c’est là que mon cerveau glitche. Si je les écoutais, je devrais me taire et faire comme si de rien n’était et ainsi continuer à laisser les gens agir et voir le harcèlement de façon « normale » et plutôt « banale ». Je devrais continuer mon chemin sans soulever la problématique pour me « protéger », pis sincèrement ça fait plus de mal que ça peut protéger.

Je n’ai pas envie de vivre sur le qui-vive, je n’ai pas envie de penser que c’est de ma faute quand un adulte responsable ne respecte pas les limites imposées et se donne tous les droits. Je ne veux pas me taire et ne rien faire. Si je peux un tant soit peu changer les mentalités avec cette lettre ou dire à d’autres Vous n’êtes pas seules, alors ce sera toujours ça de gagner. J’ai une voix et je veux l’utiliser à bon escient.

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C’est quelque part entre Montréal et Rouyn-Noranda en pleine nuit, l’an dernier, dans un autobus voyageur et un gros rhume, que je me suis décidée à faire un petit retour. Mais ce n’est seulement aujourd’hui que je publie ce texte… Parce que la peur me tenaille encore parfois. Que même si à l’époque j’ai pensé retirer la lettre parce que ça brassait pas mal, je suis heureuse de l’avoir publié ! Que je ne regrette pas du tout ce tourbillon créé avec cette lettre, mais que j’ai eu besoin de temps pour tout assimiler des retombées.

Parce que deux ans plus tard, j’ai appris. J’ai appris à quel point je suis forte. J’en ai appris plus sur moi et mes nouvelles limites. J’ai appris des choses sur les gens autour de moi et comment l’humain réagit dans ce type de situation. Mais surtout, j’ai appris à quel point il est important d’être intègre et honnête envers soi-même. Peu importe ce que les gens pourront en dire.

Deux ans plus tard, je persiste et signe. Cette lettre m’a libéré d’un poids énorme et peu importe les « conséquences » non-mérites qui ont suivi, cette histoire fait partie de moi, et je compte m’en servir de façon positive.

Je l’avoue, je ne sais pas si cette petite partie de moi qui s’est brisée, lorsque j’ai vécu cet épisode de harcèlement, se réparera complètement un jour. J’en sais absolument rien, mais tout ça m’a permis d’en apprendre plus sur moi, sur ce que je veux maintenant, mes limites et surtout ce que je ne veux plus.

Parce que dans tout ce laid et cette tempête, j’en suis sortie plus forte et j’avais besoin de boucler la boucle. Et la beauté de la chose, c’est peut-être ça, réaliser sa force. En apprendre plus sur soi-même et se concentrer sur le positif. Se reconstruire peu à peu l’estime, la confiance et arrêter d’être sur le qui-vive.

La vie, c’est un tourbillon. On sait jamais comment il nous frappera, mais on s’en relèvera toujours d’une façon ou d’une autre.